Page:Jammes - Feuilles dans le vent, 1914.djvu/251

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
245
RAMEAUX

Cette naine a le doux sourire des infirmes. Sans doute venait-elle d’assez loin. Je l’avais rencontrée parfois dans mes chasses, dans un site triste et charmant dont elle semblait la fée. Elle gardait ses oies dans la paix des tâches accomplies et il semblait, tant elle était pâle, que le dernier baiser du jour fût pour elle.

Le deuxième laurier a été cueilli par moi au chevet du plus douloureux et du plus saint des jeunes hommes. Tant d’amputations furent nécessaires pour l’aider à ne pas mourir, que je ne sais point s’il ne lui reste pas que l’âme. On le dirait descendu d’une croix, percé et mutilé. Et non loin de ce calvaire, dans cet hospice où je vais le visiter, je retrouve ces mêmes Saintes Femmes qui, sur le Golgotha, entendirent le dernier cri de Dieu. C’est elles qui fixèrent au lit de ce martyr la branche qu’il m’a donnée avec un sourire. Il ignore que le laurier dont elle est issue, plus que celui du poète, devient la clef des forêts éternelles.

Que soient bénies les âmes de ces deux pauvres êtres ! dont l’infirmité même s’élève