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LA PETITE VIEILLE

Nous avons marché toute la nuit, tout ce matin,
le long des lacs, sur les mousses et sur les thyms.

LA JEUNE FILLE

J’ai passé la nuit à couper et lier des branches.
Ma hachette, sous la lune, était toute blanche.
La forêt parfumée par les écorces fraîches
pleuvait de la rosée sur mon petit tablier.
Bientôt, la pluie tombant des châtaigniers frappés
sur ma nuque a glissé et mouillé ma chemise,
et je sentais sur moi comme un froid d’arc-en-ciel.
J’ai dû me mettre nue et étendre au soleil
mes vêtements trempés, et reprendre l’ouvrage,
nue ainsi, et n’ayant pour vêtir mes seins clairs
que la courbe lueur des feuilles sous ma serpe.

LA PETITE VIEILLE

Qui attendais-tu depuis l’aurore ?

LA JEUNE FILLE

Qui attendais-tu depuis l’aurore ? Vous, grand’mère.