Page:Jammes - Le Deuil des primevères, 1920.djvu/124

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Je t’aime. Je suis nue. Ma lèvre vers toi brûle
comme une guêpe qui s’irrite sur des fleurs.
Je t’aime. N’es-tu pas celui que mon aïeule
a élu ? N’es-tu pas celui dont la douleur
voudra guérir enfin, bercée dessus mon cœur ?

LE POÈTE

Non. Laisse-moi, amie. J’ai peur que tout amour
ne soit le bourdon bleu qui blesse un liseron.
Ne pose pas sur moi les guêpes de tes lèvres.
La fraîcheur de ta chair est mauvaise à ma fièvre.
N’écrase pas sur moi tes seins polis et ronds.
Les coups précipités de ton cœur me tueront.
Eloigne-toi. J’entends au travers de ton âme
battre le cœur amer et doux d’une autre femme.

LA JEUNE FILLE

O ami, que crains-tu ?… Je suis ta douce esclave.
Je te consolerai de mon sourire grave.
Vois ? Je souris et me meurs de l’amour de toi.

LE POÈTE, qui s’abandonne peu à peu.

Ton sourire est pareil aux clairières des bois.