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Scène Première


Le poète marche dans une gorge alpestre. Sur sa tête l’azur est comme un ruisseau étroit dont les rochers sont les bords. Et ces rochers plissés, feuilletés, écailleux, suent de l’argent sur du noir. On entend une goutte taper de haut le sol.

Parmi les graviers secs, les buis, les lavandes, des sauterelles sautent comme des éclats de marne

À droite, dans la combe, au-dessous, il y a un torrent à l’eau creuse et verte. C’est aride, mais on pressent au delà des sapinières, sur les cimes, des pelouses d’une douceur épaisse et verte où sommeille le gibier.

Le poète chemine sur le sentier sec, aux cailloux aigus. Il est deux heures après-midi. Il chante :

J’ai quitté le village où sous le blanc soleil
les géraniums se rouillent ;
où sous sa feuille rude et velue, la citrouille
s’endort sous l’ombre bleue aux siestes de la treille.