Page:Jammes - Le Deuil des primevères, 1920.djvu/28

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Tu auras peur, n’est-ce pas, que, tout à coup, je ne souffre ?…
Ne m’interroge pas. Je ne veux pas te dire.
Ne sache pas pourquoi j’ai parlé de bien d’autres.
Je n’aime plus que toi puisque j’entends les grives
qui arrivent du Nord mordre à l’Automne rouge
dont les vents sont amers ainsi que des olives.

Ne sois pas curieuse et, si tu sais m’aimer,
laisse ton doux silence emplir mon cœur amer.
Si nous nous promenons, écoute donc, songeuse,
comme si tu l’entendais pour la première fois,
le bruit continuel, sec et brisé des feuilles
qui tombent en tournant sur les débris des bois.

Ne pense plus à moi, ne pense plus à moi.
Il y avait un nom doux « qui rappelait l’Automne ».
Ô mon amie, je t’aime. Mais ne demande pas…
Vois ce colchique clair et ce champignon rose.
Tes pieds légers seront sur les mousses d’aurore
où luisent les grains purs de la ronde rosée.