Page:Jammes - Le Deuil des primevères, 1920.djvu/36

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Dans peu de jours, je repasserai dans la ville
où tu es, et je veux, dans l’odeur des soirs froids,
te rapporter mon âme passionnée et triste,
lorsque les magasins luisent sur les trottoirs.

Je serai l’écolier que j’ai été jadis,
j’allumerai la même pipe en bois des îles
que je fumais dans le brouillard des quartiers gris,
à la rentrée, quand c’est la neuve odeur des livres.

Mais ne trouveras-tu pas trop que j’ai vieilli ?
Mes vingt-neuf ans regrettent mes dix-sept ans.
Je n’avais pas senti cela si fortement…
Pourtant mon songe est jeune ainsi que mon sourire.

J’ai tant donné, j’ai trop donné de ma jeunesse,
mais j’en avais toujours, encore, pour souffrir.
Je la crois toujours morte et je la sens revivre
ainsi qu’un bosquet nu où souffle un vent de Mai