Page:Jammes - Le Deuil des primevères, 1920.djvu/72

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S’il me fallait choisir un souhait pour la journée,
je voudrais savoir ce que tu es devenue.
Dans la salle à manger où une vierge en tulle
est sous un globe, je voudrais redéjeuner.
Je te dirais : j’ai bien pensé à vous souvent,
depuis ces vingt-six ans où nous avions quatre ans.

Je causerais avec ton mari jusqu’au soir.
Et, après le dîner, sur le perron usé,
je m’assoierais avec vous deux sous la glycine.
Je vous dirais que j’ai souffert toute la vie.
Et vous, sans trop comprendre à cause de quel motif,
votre cœur sentirait mon horrible souffrance.
Mais vous seriez heureux de me sentir plus calme,
par la belle soirée qu’il ferait ce soir-là.
Nous écouterions monter le chant des âmes,
de la route où l’on voit s’allumer et s’éteindre,
dans la tiède obscurité, les voitures, vite.

Puis vous me donneriez, pour que j’y dorme bien,
la chambre bleue à la jolie tapisserie.