Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/123

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lui prendre son fusil et le porter, mais elle le lui refuse en riant. On franchit la grille.

Dans l’ombre fraîche et grise de l’aube, les contours sont durs et noirs. On découple bientôt les chiens qui reniflent et rampent sur un chaume. L’un d’eux s’attarde. Un autre tourne sur lui-même. Tous épandent une odeur caséeuse. Quelques-uns trottent vite, bassets torses, griffons moustachus et braques dégingandés.

Tout à coup un long appel jaillit d’une gorge. Immobile, le cou tendu, le corps raidi, les yeux vagues, un chien hurle puis se tait une seconde. Et, de nouveau, il sonne. C’est un gémissement long qui tremble dans l’air matinal, l’ébranle de la plaine aux coteaux. Ses compagnons accourent à lui. Il crie toujours, le mufle haut et froncé, remuant la queue, les oreilles dressées et ridées. Puis tous, presque en même temps, se mettent à donner. Un jappe. Ceux-ci ont deux notes prolongées : haute puis basse, et ceux-là jouent du tambour de leur gosier. Et là-bas, pendant les silences, répond la meute de l’écho. La chasse va.

Les jolies guêtres chamois de Clara d’Ellébeuse se trempent aux fougères. Elle suit les chasseurs. Parfois un ajonc la pique aux genoux. Les halliers laissent couler sur son large chapeau orné d’une aile de geai, en pluie glaciale et brillante, la rosée.