Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/225

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Je crois que ce n’est que par une éducation, née d’une fausse vanité, que l’homme se dépouille de telles croyances. Pour moi, je n’établis point de grande différence entre le cas de l’enfant qui donne à manger à un morceau de bois et la raison de certaines libations de religions primitives. Et qu’est-ce autre chose que de prêter aux arbres un attachement envers nous plus fort que la vie, de croire que des végétaux plantés au jour que naquirent des enfants qui languirent et moururent, s’étiolèrent et séchèrent au même temps ?

J’ai connu des choses en souffrance. J’en sais qui sont mortes. Les tristes hardes de nos disparus s’usent vite. Elles s’imprègnent souvent des maladies mêmes de ceux qui les vêtirent. Elles ont leur sympathie.

J’ai souvent considéré des objets qui dépérissaient. Leur désagrégation est identique à la nôtre. Il est pour eux des caries, des ruptures, des tumeurs, des folies. Un meuble que ronge les vers, un fusil dont se casse le ressort, un tiroir qui a gonflé, ou l’âme soudain faussée d’un violon, voilà des maux dont je suis ému.

Pourquoi vouloir, lorsque nous nous attachons aux choses, placer en nous seulement, pour l’extérioriser ensuite, l’amour ? Qui prouverait que les