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Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/237

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Autour de vous fleuriront vos amies, les plus pures corolles du globe ; mais, déjà, elles sont moins chastes que vous, car elles ont un parfum de neige.



Pauvres sœurs grises du ruisseau, que je rencontrai dans la plaine ; pierres ternes ; ô vous sur qui tombe l’averse pour que boive le moineau ; contre qui butte le pied de l’ânesse ; ô gardiennes qui formez l’enclos des jardins misérables ; qui êtes le seuil concave ; qui êtes la margelle limée par la chaîne du seau ; servantes ; pauvresses polies comme les lames des instruments aratoires ; ô vous que l’on chauffe dans l’âtre indigent pour ranimer les pieds des aïeules ; vous que l’on creuse pour d’obscures besognes, qui devenez humblement la table du chien et de la truie ; vous que l’on pique afin que sous la meule soit broyée la moisson sonore ; vous que l’on taille ; vous que l’on prend ; vous que l’on laisse ; vous sur qui dormira l’errant ; ô vous sous qui je dormirai !…

Vous n’avez point, comme vos compagnes alpestres, gardé votre indépendance. Mais, ô mes amies, je ne vous méprise point pour cela. Vous êtes belles comme les choses qui sont dans l’ombre.