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Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/246

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suis née dans un enfant à tête énorme qui a un trou rouge au front. Mon père a tué ma mère et il s’est tué.

Elles disaient encore :

Nous sommes les survivantes des avortements et des infanticides. Nos mères sont en carte. Nos pères se promènent en riant, un cigare à la bouche, dans le tumulte des Agences et des Bourses. Nous sommes nés comme des rois, avec une couronne au front, une couronne de roséole.

Et Dieu, les entendant crier, descendit vers ces âmes. Il pénétra dans l’hôpital des douleurs surhumaines et, à son approche, les tisanes des bonnes sœurs fumèrent comme des encensoirs à côté des enfants martyrs. Et ceux-ci se dressèrent sur leurs minces couchettes comme des fleurs blanches et lassées.

Et le souverain Maître leur dit :

Me voici. J’attendais votre appel pour condamner ceux qui vous ont fait naître. Quel supplice réclamez-vous pour eux ?

Alors les âmes des enfants pareils à des liserons des haies chantèrent.

Elles chantaient :

Gloire à Dieu ! Gloire à Dieu ! Qu’il pardonne à ceux qui nous ont fait naître. Qu’il nous conduise un jour au Ciel auprès d’eux.