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Le sable. Le sable.

Mais tout changea.

À Kef el doh’r, l’air vibrait sur les chotts. Des Méditerranées d’azur, mirages merveilleux, naquirent du terrible Rien. C’était, peut-être, les rêves géants du Désert endormi.

Sur des eaux glissèrent des voiles, surgirent des rocs. D’inexistantes oasis bercèrent leurs palmes au-dessus de l’horizon qui pâlissait en s’éloignant.

Le Songe de l’Eau s’épaississait, devenait bleu de prusse et jaune. Des plages brillaient comme des fleurs de palmier mâle, lorsqu’elles ne sont pas mûres et que les mangent les enfants.

Des constructions s’élevèrent. Elles évoquaient des villes mortes, des villes de l’Indus abandonnées des hommes, des palais de marbre où des singes adroits et mystérieux se seraient retirés pour y mener, loin des multitudes, une vie de volupté, pour se bercer, au soir, des grognements des crocodiles dans les réservoirs croupis tachés de poissons d’or.

Le sel des lacs luisait traîtreusement. On croyait à la neige. Sur eux régnait un ciel d’une infinie douceur, pâle et bleu comme une tempe de vierge.