Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/43

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Ils laissèrent l’hiver derrière eux. Ils s’étonnaient de fouler ces pelouses, naguères inaccessibles et au-dessus de leurs têtes. Mais le besoin de gagner le Paradis les maintenait sûrement dans le ciel.

Par les sentiers séraphiques, les treilles de lumière, les voies lactées où la comète est une gerbe, Lièvre menait ses compagnons ; François les lui avait confiés, le leur avait donné pour guide, parce qu’il savait sa prudence. Et l’Oreillard n’avait-il fourni à son maître, en plusieurs circonstances, des preuves de cette qualité qui est le commencement de la sagesse ? N’avait-il pas attendu, lorsque François le rencontrant l’avait prié de le suivre, que celui-ci lui tendît et laissât brouter en sa main une poignée d’herbe fleurie ? Et, lorsque tous ses compagnons s’étaient laissés mourir de faim pour l’amour les uns des autres, n’avait-il pas, le Patte-usée, continué de brouter l’écorce amère des tauzins ?

Donc il apparaissait que cette prudence, même au ciel, ne lui ferait pas défaut ; que, si l’on se trompait de route, le Poil-de-chaume retrouve-