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III


Quant à Lièvre, il s’était enfui prudemment à la vue du chenil céleste. Tant que François était resté auprès de lui, il avait cru en François. Mais bientôt, et quoiqu’il fût dans le séjour des Bienheureux, son naturel méfiant de laboureur l’avait repris. Et, ne trouvant pas là exactement son Paradis, n’y goûtant point la sécurité parfaite, non plus que l’attrait du danger connu, et avec lequel on peut lutter, l’Oreillard fut désorienté.

Donc, il erra, mal à l’aise, ne sachant pas, ne se reconnaissant pas, cherchant en vain ce qu’il fuyait et ce qui l’avait fui. Mais qu’était-ce ? Le bonheur n’était-il pas le Ciel ? Où donc le calme eût-il été plus calme ? En quel autre gîte le Museau-fendu aurait-il pu rêver un sommeil sans alerte, mieux qu’en ces lits de laine que la brise étendait sous les buissons fleuris d’étoiles ?

Mais il n’y dormait point, car l’inquiétude et d’autres choses lui manquaient. Assis aux fossés