Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/66

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Devisant ainsi, ils arrivèrent aux confins du Paradis des bêtes. Là commençait le Paradis des hommes. Lièvre inclina la tête et lut, au-dessus d’un poteau, sur une plaque de fonte bleue où une flèche indiquait la direction à suivre :


Castétis à Balansun 5km


La journée était si torride que l’écriteau semblait palpiter dans le sombre été. Au loin, la route poudroyait comme dans sœur Anne, lorsque l’on dit : « Ma sœur, ne vois-tu rien venir ? » La sécheresse pâle en était magnifique, amèrement embaumée par les menthes.

Et Lièvre voyait venir à lui un cheval attelé à une carriole.

C’était une rosse qui traînait un char-à-bancs et qui ne pouvait plus qu’aller au galop, par à-coup. Chaque élan faisait sursauter sa carcasse disloquée, secouait son collier, éparpillait sa crinière terreuse,