Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/68

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Ce doute était un grain de plomb qui venait de pénétrer, par la nuque, dans la cervelle de l’Oreillard. Un voile de sang, plus beau que n’est l’Automne ardent, flotta devant ses yeux où se levaient les ombres éternelles. Il cria. Les doigts d’un chasseur le serraient à la gorge, l’étranglaient, l’étouffaient. Son cœur s’alentissait qui, jadis, battait comme au vent la pâle églantine éplorée à l’heure matinale où la haie caresse la douceur des agneaux. Un instant, dans le poing de son meurtrier, il demeura immobile, efflanqué, long comme la mort. Puis le vieux Patte-usée sursauta. Ses ongles se crispèrent en vain vers le sol qu’ils n’atteignaient plus, car l’homme ne lâchait pas. Lièvre finissait goutte à goutte.

Soudain, il se hérissa, devint semblable aux chaumes de l’été où il se gîtait jadis auprès de sa sœur la caille et du coquelicot son frère ; semblable aussi à la terre argileuse où ses pieds de pauvre trempèrent ; semblable aussi au pelage dont les Septembres revêtent la colline dont il avait pris la forme ; semblable à la bure de François ; semblable à l’ornière d’où il entendait sonner comme des angélus les meutes aux oreilles pendantes ;