Page:Jammes - Un jour, 1895.djvu/69

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J’étais dans les touyas avec ma chienne douce,
et nous allions au bois d’argent, d’ombre et de mousse.
Et j’ai pensé à toi qui as la peau douce
comme un grain de raisin et une nèfle rousse.
Les éperviers aigus volaient sans avoir l’air de bouger.
La tête lourde des corbeaux comme un clou épais.
Les piverts volent comme des vagues, en courbées
et, droits, ils griffent l’écorce, cachant leurs plumes vertes.
Les ruisseaux après la pluie sont un peu jaunes
et, au Printemps, au bord, il y a des anémones.
Le coteau est comme en sang noir et, du haut
les montagnes nagent au ciel doux, simple et beau.
De l’autre côté des coteaux sont les villages
doux qui dorment au soleil comme des haches.
Là, il y a des tonnelles tristes au vieux jardin
où les poules grattent prés des buis, des ricins.
La tonnelle en lauriers luisants est verte et noire.
Il y a un banc, au fond, en bois couleur de soir,
et qui est un peu humide, à cause de l’ombre,
même l’Été quand le soleil est en bleu plomb.
Viens-y ? L’après-midi sera luisant. Ta bouche
sur ma bouche, nous nous tairons et les cigales
cliqueront sur les roses en eau rose du Bengale.