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SOMMEIL


I


La gomme coule en larmes d’or des cerisiers.
Cette journée, ô ma chérie, est tropicale :
Endors-toi donc dans le parterre où la cigale
Crie aigrement aux cœurs touffus des vieux rosiers.

Dans le salon où l’on causait, hier vous posiez…
Mais aujourd’hui nous sommes seuls — Rose Bengale !
Endormez-vous tout doucement dans la percale
De votre robe, endormez-vous sous mes baisers.

Il fait si chaud que l’on n’entend que les abeilles…
Endors-toi donc, petite mouche au tendre cœur !
Cet autre bruit ?… C’est le ruisseau sous les corbeilles

Des coudriers où dorment les martins-pôcheurs…
Endors-toi donc… Je ne sais plus si c’est ton rire
Ou l’eau qui court sur les cailloux qu’elle fait luire…