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À Hubert Crackanthorpe
et Charles Lacoste


Vous voulez avoir quelques pages d’une œuvre écrite vers mes dix-neuf ans (1888…).

J’aurais pu imiter le style de Flaubert ou celui de Leconte de Lisle, et faire, comme un autre, un poncif.

J’ai fait des vers faux et j’ai laissé de côté, ou à peu près, toute forme et toute métrique, mais je ne confonds pas ceux qui croient que la langue est le cœur avec ceux dont le tempérament est de mettre leur cœur dans un style.

Je n’avais pas le tempérament de ces derniers. Qu’ils aient nom Lamartine, Musset, de Saint-Pierre, Leconte de Lisle ou Loti, ceux-là je les salue avec la modestie dévotieuse d’un enfant de chœur devant des divinités.

Mon style balbutie, mais j’ai dit ma vérité, et, du moins, je ne cherche pas à prouver que j’ai du génie, en érigeant en doctrine moderne les défauts grossiers d’une langue.

Je ne veux blâmer ni prôner ma façon de faire, mais, ce que j’affirme, c’est ma haine des écoles, ma tolérance, mon amour de la vérité et ma pitié de ce lieu commun, qui est le cœur de l’homme.

Pour être vrai, mon cœur a parlé comme un enfant.

Je vous dédie ceci :