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Page:Jan - Dans la bruyère, 1891.djvu/111

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LE JARDIN


Jamais du clair logis ne s’échappe un murmure,
Car la dame est très vieille et cause lentement ;
Et, de sa robe noire effleurant l’herbe mûre,
Elle rôde sans bruit sous l’ombrage dormant.

Elle vit, autrefois, sa nombreuse famille,
Mélant aux cris d’oiseaux un tumulte joyeux,
Se jouer à travers l’ombre de sa charmille ;
Et s’ouvrir à la fois des âmes et des yeux.

Mais les enfants sont morts : la craintive couvée
S’est enfuie au croissant murmure des sanglots ;
Elle a vu s’effacer l’espérance rêvée
Dans l’insondable horreur des yeux chers qu’elle a clos.

Avec l’austérité d’un éternel veuvage,
Seule et triste, elle vit dans les parfums anciens,
Demandant aux vieux murs, aux sentiers, au feuillage,
Quelque chose qui soit un souvenir des siens.