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DANS LA BRUYÈRE


Soudain, les bois heurtaient leurs pensives ramures ;
Les ajoncs, les genêts, le chêne frémissant,
S’inclinaient vers la terre avec de sourds murmures,
Comme s’ils avaient peur lorsque la nuit descend.

Alors, mon compagnon s’asseyait sur la pierre :
Ses moutons, effrayés par la fuite du jour,
Bêlaient lugubrement, le nez sur la bruyère,
Et flairaient un danger dans le murmure sourd.

Lui, sans plus de souci, confiant dans sa force,
Il gourmandait son chien, rudoyait le troupeau ;
D’un arbuste naissant il arrachait l’écorce,
Et, rustique ouvrier, se taillait un pipeau.

La nuit s’épaississait ; et les étoiles douces
Semaient de blanches fleurs le velours bleu du ciel ;
Leur tremblante clarté venait frôler les mousses,
Comme les pieds divins de Mab et d’Ariel.