Page:Janet - Les névroses, 1909.djvu/64

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pu faire en cet instant? Il fait des efforts inouïs pour se convaincre que, pendant cette seconde, il n’a pas commis quelque horreur. Il y a un an, un vendredi soir, Ls… s’est-elle laissée aller à vouer ses enfants au diable? Pour le savoir, il faut rechercher si à cette époque elle a désiré quelque chose assez fortement pour prier le diable de le lui accorder, si elle a cédé à la tentation d’obtenir ce qu’elle désirait par le sacrifice des enfants ou si elle a su résister en disant la formule d’exorcisme : « Non, non, 4, 2, 1. ». Voilà un petit problème qui n’est pas facile à résoudre.

C’est à cette manie de recherche des souvenirs que se rapportent le plus souvent les faits qui ont été décrits par Charcot et Magnan sous le nom d’onomatomanie. Dans le cas le plus remarquable décrit par ces auteurs, le malade a été frappé par la lecture d’une anecdote dans le journal : une petite fille en jouant était tombée dans une bouche d’égout. Il veut, le soir, raconter ce qu’il a lu, mais il s’aperçoit qu’il a oublié le nom de la petite fille; il cherche son nom avec une angoisse terrible. La crise d’agitation physique et morale déterminée par cette enquête a été épouvantable toute la nuit, jusqu’à ce que, le matin, il put retrouver dans un journal le nom de Georgette. Plusieurs de nos malades ne circulent pas sans un carnet sur lequel ils inscrivent les noms et les adresses de toutes les personnes qui leur parlent, afin de les retrouver sans effort.

Les recherches peuvent encore porter sur d’autres objets : un homme de quarante ans, quand il voyage, essaie de se remémorer l’aspect du paysage qu’il a vu; s’il ne peut y arriver, il souffre tellement qu’il refait le voyage pour combler les lacunes de sa mémoire. Parfois, il transige avec lui-même et se borne à envoyer un domestique pour vérifier certaines particularités restées incertaines dans son esprit. Ce fait rappelle la célèbre anecdote de Legrand du