Page:Janet - Les névroses, 1909.djvu/68

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début de leur maladie, ils commencent par douter des choses qui sont évidemment les plus obscures et qu’ils comprennent le moins, c’est-à-dire des choses religieuses : « Quand j’ai commencé à être malade, j’ai perdu la foi de mon enfance et je ne savais pas pour quelle raison je ne croyais plus. C’était un défaut de confiance, quelque chose qui s’évanouissait en moi, comme une lumière qui s’éloignait ». Il est curieux de remarquer que cet affaiblissement de la foi n’est pas causé par des lectures, des discussions, ne dépend pas d’arguments; c’est une vieille erreur que de se figurer la croyance des arguments. La foi se perd chez ces malades en vertu du même mécanisme qui va troubler les actions et les perceptions, quoique l’intelligence proprement dite reste intacte. Quand la maladie s’aggrave, le doute commence à porter sur des choses qui, d’ordinaire sont crues plus facilement. Les malades perdent confiance dans les personnes environnantes : à toute autorité, ils opposent le désir d’une autorité plus grande. Si le médecin leur parle, ils voudraient le prêtre, et, si c’est le prête, ils lui reprochent de ne pas être archevêque ou pape : « Et encore si le pape me parlait, je ne le croirait pas, car il se pourrait qu’il m’ait mal comprise et que sa parole infaillible ne s’applique pas à la question. » Un degré de plus et les malades vont douter de leur propre avenir ou de leur propre passé. L’absence d’espoir, l’avenir sombre comme un trou noir accompagne chez eux le doute du passé et le besoin de vérifier tous leurs souvenirs. Ce sont ces sentiments très pénibles qui déterminent, si je ne me trompe, des agitations mentales et toutes les manies de recherches que nous avons rattachées au doute des psychasténiques.

Ce sentiment de doute joue un rôle si considérable dans cette maladie, qu’elle avait même été baptisée autrefois la folie du doute. Il me semble que ce