Page:Janet - Les névroses, 1909.djvu/90

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même, comme : « Maman, ratan, bibi, bitaquo, je vais mourir », que répétait à chaque instant un brave homme. Nous retrouvons, d’ailleurs, ces formules de conjuration à propos des troubles de l’action dans lesquels elles jouent un grand rôle.

Nous venons de voir que la conscience plus grande de l’agitation verbale amenait comme conséquence ce sentiment du désir et de l’impulsion. Il me semble aussi qu’elle transforme l’expression verbale elle-même : le sujet qui, comme l’hystérique, n’a pas conscience de ce qu’il dit, ne se surveille pas, ne s’arrête pas et parle à haute voix; le psychasténique, qui sent l’absurdité de ses paroles, essaye de les retenir, lutte contre elles et les arrête en partie. Il en résulte que ce langage est souvent chez lui incomplet, qu’il se fait à mi-voix, qu’il est souvent réduit à une pure parole intérieure. Beaucoup de ces malades murmurent d’une manière imperceptible des phrases comme celle-ci : « Le contraire de Dieu…, quatre, trois, deux, cent soixante-quinze mille ». Cela veut dire que cette personne a pensé au culte du démon et qu’elle a lancé la formule de résistance; mais cela est à peine entendu. La plupart parlent au dedans d’eux-mêmes : ils disent souvent que quelque chose parle dans leur tête ou dans leur estomac, que c’est une inspiration étrangère qu’ils sentent en dedans. C’est le phénomène qu’on a autrefois si mal compris sous le nom d’hallucination psychique.

En réalité, il est facile de montrer, comme l’a remarqué M. Séglas en 1892, que c’est bien leur propre parole que sentent ces malades et qu’ils localisent à tel ou tel endroit de leur corps parce qu’ils aperçoivent plus ou moins bien quelques petits mouvements de la poitrine ou de la langue. Si on demande à ces malades de parler eux-mêmes tout haut, de compter à haute voix pendant que l’esprit parle au dedans d’eux-mêmes, ils ne peuvent y parvenir et sont tout surpris