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Page:Janin - Œuvres diverses, série 1, tome 1, 1876.djvu/35

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d’or l’a faite la sœur d’une sainte, sainte Elisabeth, sainte insultée et couverte d’opprobres ; cet anneau d’or lui a donné des amis, amis chassés de France, ou têtes coupées sur l’échafaud, amie égorgée, violée, et dont le cœur a été dévoré par des cannibales. Si les égorgeurs de ce temps-là avaient su tout à fait leur métier de tortionnaires, loin de le lui enlever, ils auraient suspendu devant elle, nuit et jour, cet anneau d’or !

Et les barbares, s’ils avaient su que la veuve de Louis XVI portait sur son cœur, dans un médaillon, les cheveux du roi, et qu’elle les portait à ses lèvres, la nuit et le jour, avant sa prière, nul doute qu’ils n’eussent été chercher les cheveux du roi sur le cœur de la Reine. Mais le Ciel lui épargna cet outrage, le seul outrage que le Ciel lui ait épargné.

Chaque jour, à chaque instant, de nouveaux espions arrivaient pour troubler ce silence résigné, ces prières ardentes : c’étaient des architectes, c’étaient des brutes en bonnets rouges, bêtes féroces et menaçantes qui s’en venaient, le bonnet sur la tête, pour interroger les barreaux, les grilles, les verrous, les portes, les murailles, la tuile, le fer, les pierres de taille, les voûtes, les geôliers, les porte-clefs, les instructeurs. — Un lion enchaîné dans une bergerie n’eût pas donné plus d’inquiétudes que la Reine n’en donnait à ces bourreaux.