Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/110

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dont le réveil devait être si terrible en 1701, venait de s’endormir sans les fatigues de la journée. A l’extrémité du pont-levis, la prisonnière attendait qu’on la vint prendre, et lorsque enfin son tour fut venu d’entrer dans la geôle, on lui fit traverser des passages gardés par des portes de fer. On entendait dans ces longs corridors les plaintes des nouveaux prisonniers, qui n’avaient pas encore l’accoutumance de la prison.

Enfin, étant arrivée aux étages d’en haut, elle fut introduite dans une chambre horrible où tout manquait, le feu, les meubles, la lumière, la propreté ; pour tout meuble, une chaise du paille, un bout de chandelle attaché au mur, et tous les gens qui l’avaient amenée, disparus au bruit des portes qui se refermaient. Trois heures après, ces portes s’ouvrirent de nouveau ; le gouverneur reparut, amenant avec lui la servante de Mlle d Launay, et cette fois la chambre fut meublée d’un petit lit, d’un fauteuil, deux chaises, une table, une jatte, un pot à l’eau, un grabat pour la jeune servante. « Ah ! dit-elle, on sera bien mal couchée ! » On lui répondit : « Ce sont les lits du roi. » Puis les prisonnières se couchèrent sans souper. En vain elles voulaient dormir : tous les quarts d’heure elles étaient réveillées au son d’une cloche, et cette habitude est une des plus cruelles de la Bastille.

Et, le jour étant venu, la dame et la servante eurent grand soin de balayer leur chambre et de brûler un des deux fagots que le roi leur accordait chaque jour. Une boîte d’allumettes au beau milieu du Champ de Mars produirait presque autant d’effet que ces fagots du roi en cette immense cheminée, grillée et barrée autant que les fenêtres. A la première flambée de son feu, Mlle de Launay, triomphante, brûla un papier qu’elle avait soustrait aux yeux de MM. les commissaires : c’était

une lettre écrite en entier de la