Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/115

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

voix qui faisaient le tourment de sa vie ; elle avait fait de sa servante une amie, et pour compagne elle avait une jolie chatte que le gouverneur lui avait donnée étant petite, et qui avait fait bien des petits. Puis, le soir venu, elle n’était pas forcée à jouer la comédie, à manier des cartes, et elle se couchait quand elle voulait dormir.

* * * * *

Cette conspiration de Cellamare, qui eût fait tomber plus d’une tête sous la hache inexorable du cardinal de Richelieu, devint bientôt, entre les mains bienveillantes de M. le régent, une entreprise assez ridicule, et plutôt faite pour amuser les oisifs que pour occuper les hommes d’État. M. le régent se contenta du nouvel abaissement imposé aux princes légitimés, et quand on lui rapportait les vociférations de Mme la duchesse du Maine, il en riait volontiers, acceptant les douleurs de la princesse en dédommagement des humiliations qu’elle lui avait fait subir dans le salon de Mme de Maintenon.

Puis, dans ce plaisant pays de France, on n’est pas fâché de changer chaque matin de héros et d’aventure ; au bout de trois mois, quiconque eût parlé des conspirateurs dans un salon de Paris, eût été regardé comme un sot ; si bien que, même à la Bastille, le juge instructeur avait fini par ne plus interroger les prisonniers que pour la forme. On leur laissait déjà toutes sortes de libertés inaccoutumées en ce lieu de plaisance : ils se promenaient chaque jour au-dessus des tours, et leurs amis qui passaient dans le faubourg leur disaient bonjour du geste et du regard. Un peu plus tard, ces prisonniers, si nombreux d’abord, furent relâchés l’un après l’autre : aujourd’hui M. de Malézieu le fils, M. Bargeton le lendemain ; plus tard encore, elle se rappelait qu’il y avait déjà six mois on était venu chercher M. de Silly, et que l’ingrat