Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/119

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bout de courage. Un temps vient où les heures comptent pour des années ; la rêverie est impossible ; on ne peut plus lire, on ne dort plus ; chaque journée est un long supplice, et pourtant la captivité de la jeune lectrice était un plaisir, comparée au séjour de la duchesse du Maine dans la citadelle où elle était enfermée. Elle était seule, et complètement ignorante du sort de tous les siens ; pas une distraction, pas une lettre, et cette aimable princesse, heureuse de toutes les choses de l’esprit, en était réduite à supplier M. Leblanc à peu près dans les termes que Mlle de Launay employait pour elle-même. Si bien que lorsque la duchesse du Maine fut rendue à la liberté, et qu’il lui fut permis de revenir dans sa maison de Sceaux, sa captivité ne pouvait pas se prolonger davantage. D’abord elle se trouva bien isolée en ces lieux privés de leur ancienne splendeur. La disgrâce est contagieuse, et de tous ces courtisans empressés à leur plaire il vint un bien petit nombre. Ah ! désormais, plus de fêtes, de comédies, de belles nuits enjouées, aux sons des musiques.

Ils avaient payé leur liberté assez cher ; M. le régent, qui n’était pas sans pitié, mais qui ne voulait pas être exposé aux récriminations violentes de ses ennemis, comme il n’avait pu rien tirer des principaux complices de la conspiration et que Mlle de Launay, qui la savait d’un bout à l’autre en sa qualité de secrétaire intime de la princesse, absolument se refusait à parler, M. le régent avait exigé de la principale accusée un aveu complet de son crime, et, de guerre lasse, elle avait signé tout ce qu’on voulait. Ainsi la princesse y laissa beaucoup de sa considération, et le prince, un peu de son propre honneur. Il en avait conservé un si grand ressentiment, qu’il refusa longtemps de rentrer dans sa maison de Sceaux. Tous ces aveux retombaient sur Mlle de Launay, que