Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/121

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ce moment l’air pur de la liberté ! Quel bonheur de retrouver la causerie et les visages de tous les jours dans le véhicule de tout le monde ! A chaque tour de la roue indolente, elle se demandait : « Que dira ma princesse, et comment donc en serai-je reçue ? » Elle arrive enfin ; la porte est ouverte ; elle entre. On lui dit que Mme la princesse du Maine se promène dans ses jardins. Elle y court. La dame était en calèche, à demi couchée, et voyant venir cette confidente si fidèle, la seule qui n’eût pas trahi son secret :

— Ah ! dit-elle, vous voilà, j’en suis bien aise !

Et voilà tout ce qu’elle en eut. Pas d’autre explication, pas de récompense, à peine un sourire. Elle reprit le lendemain son humble service, à lire, à veiller, à jouer avec Son Altesse, et peu s’en fallut qu’elle ne regrettât le calme et la paix de sa prison. Ces grands seigneurs d’autrefois, ces fils des dieux, s’imaginaient que les petites gens étaient trop heureux de les servir et trouvaient leur récompense dans leur dévouement même. Elle avait rapporté de la Bastille du linge et des robes en méchant état, sa princesse ne songea point à remplacer ces nippes usées dans la prison. Désormais Mlle de Launay comprit qu’elle ne devait rien attendre que d’elle-même, et, bien décidée à sortir de cette captivité déguisée, elle s’en fut visiter ses amis de Paris, et entre autres M. de Chaulieu, qui logeait au Temple, et M. Dacier, qui habitait dans un des galetas du Louvre. Hélas ! l’aimable poète, ami des doctes sœurs, M. de Chaulieu, dont les douces chansons avaient été le charme et la gaieté de tout un monde évanoui, Mlle de Launay rencontra son cercueil, comme on le portait dans les caveaux des anciens chevaliers du Temple.

Quand elle eut prié pour M. de Chaulieu, ce fidèle ami de sa