Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/164

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aurait l’honneur de dîner avec Sa Majesté. Le roi décida qu’elle dînerait à sa table, et la pauvre femme en mourut de joie. Il y avait un capitaine des becs-de-corbin, qui tenait à son emploi tout autant que le premier gentilhomme de la chambre. Il y avait le confesseur du roi, qui tenait une place immense en ce château de Versailles. La préséance et l’ancienneté, pour être reconnues, exigeaient des lettres patentes. Quand la question était en doute et qu’il fallait la décider tout de suite, on écrivait dans les registres : À la prière du roi. Si nous voulions réunir dans un seul exemple les difficultés de cette préséance qui tenaient la cour attentive, il nous suffirait de relater la réception de M. le duc du Maine au Parlement de Paris. Quand il fut en âge d’être établi, et même un peu plus tôt, les ducs et les pairs s’inquiétèrent fort du rang qu’il allait prendre, et voici ce qui fut décidé après maintes délibérations :

« M. le duc du Maine, au Parlement, aura beaucoup des traitements qu’on fait aux princes du sang ; mais, en beaucoup de choses aussi, il ne sera traité que comme pair, car il prêtera le serment ordinaire ; il ne passera point dans le parquet, et le premier président, en lui demandant son avis, le traitera de comte d’Eu ; on ne nomme les princes du sang par aucune qualité ; les traitements de prince du sang qu’on lui fera seront que le premier président le haranguera au nom du Parlement, qu’il lui ôtera son chapeau en lui demandant son avis. M. du Maine, avant d’être reçu, ira voir le premier président, tous les présidents à mortier, les avocats généraux, le procureur général, le doyen du Parlement et le rapporteur ; mais il les fera avertir avant que d’y aller ; il n’ira voir aucun des ducs. »

La mort de Mme la Dauphine, au milieu de cette grande et sincère douleur, est entourée à tel point de cérémonies funèbres, qu’on la peut citer comme un exemple de l’étiquette consacrée à la cour. Mme la Dauphine, après avoir essayé des remèdes de tous les charlatans, expire après une agonie de sept heures et demie, et le roi lui ferme les yeux. Puis on la transporte de son petit lit dans le grand lit d’honneur, et, la dame d’atour ayant réclamé le droit de donner la chemise à la défunte, le roi décide qu’il en doit être ainsi :

« Le roi a réglé qu’on rende les mêmes honneurs à Mme la Dauphine qu’à la feue reine ; il n’en prendra point le deuil, parce que c’étoit sa belle-fille, et qu’un père ne porte point le deuil de ses enfants ; elle étoit sa parente par beaucoup d’endroits ; mais la qualité de fille efface toutes les autres parentés. Comme le roi ne prend pas le deuil, les princes étrangers et les officiers de la couronne ne feront point draper, il n’y aura que les princes du sang et les domestiques.