Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/179

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une poignée de tabac d’Espagne, et le malheureux expira dans les convulsions les plus atroces. C’est au souvenir de cette catastrophe impunie que le grand justicier de ce siècle, La Bruyère, écrivit plus tard : Ce que j’envie aux plus grands seigneurs, c’est qu’ils sont servis par des hommes qui valent mieux qu’eux. C’est bien le même homme qui s’indignait en voyant les comédiens en carrosse éclabousser Corneille à pied.

Cependant nos armes sont malheureuses. Nos meilleurs généraux se laissent battre. En vain nous nous prosternons devant la reine et le roi d’Angleterre, hôtes passagers du château de Saint-Germain, la nécessité nous force enfin de saluer la majesté du roi Guillaume et d’implorer la paix du même prince que le roi ne voulait pas reconnaître. Il est vrai que, la paix conclue, ordre fut donné aux musiciens de la chapelle de ne rien chanter qui pût chagriner les hôtes de Saint-Germain. M. Dangeau, l’historien des jours heureux et des jours sombres, quand à peine il inscrit dans ses pages le nom de Guillaume d’Orange et de la reine Marie, aussitôt qu’un rayon se lève et resplendit du côté de l’Espagne, a grand soin de raconter par quel miracle et soudain il n’y a plus de Pyrénées. L’historien entre alors dans les moindres détails du duc d’Anjou devenu roi d’Espagne ; les fêtes, les plaisirs, les comédies, le grand appartement, la duchesse et le duc de Bourgogne représentant devant les deux rois (les trois rois, en comptant celui d’Angleterre) les Plaideurs de Racine. Un instant maltraités au Théâtre-Français, les Plaideurs s’étaient relevés à Versailles, la cour ayant cassé l’arrêt de la ville, et maintenant les acteurs de cette heureuse pièce, outre le duc et la duchesse de Bourgogne, n’étaient rien moins que la duchesse de Guiche, Mme d’Heudicourt, la comtesse