Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/184

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sang, à l’âcreté de votre bile, à la féculence de vos humeurs ! »

Ah ! que ce roi Louis XIV, illustre entre tous les rois de France, une si grande image, un si beau type, un prince avec toutes les apparences des héros, le regard de l’aigle et la démarche auguste de Jupiter tonnant, si vous quittez la grande histoire et la représentation quotidienne de cette illustre majesté, pour pénétrer dans les secrets de sa garde-robe, était bien le digne fils de ce roi Louis XIII, à qui son médecin, le docteur Houvard, infligea en une seule année deux cent quinze médecines, deux cent douze lavements et quarante-sept saignées. Il est rempli, ce grand-livre pharmaceutique, de toutes sortes de fameux chapitres : Potions pour le roi ; emplâtres pour le roi ; lavements pour le roi. À ce mot : lavement, on s’étonne ; il nous semblait que l’Académie, interrogée à ce sujet par le docteur Fagon, avait répondu qu’il fallait dire : un remède ! « Sire, le remède de Votre Majesté ! » Or, c’était l’usage de la cour : la chaise du roi, les jours ordinaires, était portée par les pages de sa chambre ; aux jours de médecine, elle était portée par MM. les gentilshommes. Il n’y avait donc pas à s’en dédire et rien à cacher, et la cour entière savait, le même soir, le résultat de toutes ces formules :

 
Recipe : Olei amygdalium dulcium 3j.
Mellis violacei ζjβ.
Electuarii lenitivi ζjβ.

Dissolve in decocto hordei. — Fac clister. injiciend. hodie mane.


Singulière façon de vivre, et bien triste ! À chaque instant, ce roi gourmand, glouton, morose, et sujet, de bonne heure, à de légères congestions cérébrales, est