Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/211

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l’élégie à la chanson, de la cabane à la maison bourgeoise, du fabricant au soldat laboureur, du vieux marquis ramené par l’exil à l’homme enrichi par la prospérité publique. Il tenait à toutes les conditions ; il mettait en scène les hommes les plus divers ; en un mot, déjà rien ne manquait à sa gloire, à sa fortune au moment où va commencer cette histoire, dans laquelle cet aimable homme, ingénu à ses heures, et cependant d’un esprit si fin, a joué un si beau rôle, et qui convenait si bien à sa bonne grâce, à sa justice, à son bel esprit. A l’exemple de Molière, son maître, il avait deux noms ; le public le connaissait sous son nom de guerre, et l’appelait M. Fauvel.

Dans cette foule d’honnêtes gens qui l’entouraient naturellement d’une admiration dévouée (et voilà la première récompense, et la plus désirable de l’écrivain), il y avait sur les bords de la Saône, dans un petit village abrité de deux collines célèbres dans les vendanges du Maconnais, une dame de Saint-Géran, fille d’un M. Fauvel, gentilhomme breton, et l’on peut bien penser qu’à la faveur de cette communauté de nom propre, elle n’avait pas été la dernière à solliciter l’amitié du jeune homme. A chaque pièce nouvelle il était sûr de recevoir une lettre affable de son amie inconnue, et tantôt elle lui envoyait les meilleurs poulets de sa basse-cour, tantôt le bon vin de ses celliers ; en automne, elle ne lui ménageait ni les raisins ni les pêches. Bref, en toute occasion, elle le traitait en ami, et plus tard, en enfant gâté.

Lui, cependant, s’abandonnait volontiers à ces tendresses innocentes. Il y répondait de son mieux, et le premier exemplaire de chacune de ses comédies, orné d’une petite historiette de la première représentation, devenait la joie et l’orgueil du château de Saint-Géran-sur-