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II

Il était onze heures du soir comme on entrait dans la principale rue de Saint-Géran et dans la cour des Armes de France. Là, chacun sa sépara, cherchant en toute hâte à gagner son logis et son souper. Le beau Romain lui-même eut une descente des moins superbes et, sans cérémonie, il se dirigea vers sa maison, son sac de nuit à la main, ce qui faisait un piètre équipage pour notre Adonis. M. Fauvel, fatigué du chemin, rassasié de la mauvaise compagnie et déjà très préoccupé de la comédie et du drame qui s’agitaient dans sa tête, après un très léger repas, fit sa toilette et se coucha, non sans avoir donné ses instructions à son domestique pour le lendemain. La chambre était vaste, le lit bon, l’auberge peu bruyante,

et cependant il eut grand’peine à s’endormir, poursuivi qu’il était par tant de visions qui tantôt l’irritaient de la façon la plus vive, et tantôt le faisaient rire aux éclats. Parfois même il se demandait, tout éveillé, s’il n’était point le jouet d’un songe, et si vraiment il avait vécu de compagnie avec de si tristes créatures.