Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/23

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scélérat qui fit périr mon père sous le bâton ! Voilà le monstre impitoyable ! Et les enfants de jeter des cailloux et des pierres à ce fauteur d’incendie.

— Rends-nous le pain, disaient les femmes ! Rends-nous l’honneur, disaient les hommes ! rends-nous les lits et les berceaux ! Regarde, la faim nous mine, et nos mains défaillantes ne pourraient plus tenir les outils que tu nous as volés.

A ce bruit immense, où les dents grinçaient, où les yeux flamboyaient, où de ces poitrines hâves et desséchées sortaient des sons rauques et des sifflements pleins de fièvre, accouraient villageois et villageoises, et de leur doigt vengeur, désignant cet homme impie, ils criaient tous :

— Au diable ! au diable ! au diable !

Et l’écho répétait :

— Au diable ! au diable !

Alors Satan, d’une voix qui remplit la plaine et le mont :

— Camarade ! il était convenu que je n’accepterais qu’un présent fait de bonne grâce et tout d’une voix, sans que pas un des donataires y trouvât à redire. Eh bien, que t’en semble ? et que dis-tu de cette unanime malédiction ? Pour le coup, tu es à moi, bien à moi. Pas un qui te réclame ou te pardonne.

Et, prenant le bailli par les deux épaules, il le suspendit à un chêne qui n’avait pas moins de soixante pieds de hauteur. Toute la contrée applaudit à cet acte de vengeance ! Hélas ! à défaut de justice, on se venge, et voilà pourquoi il faut être juste avant tout.

Cet homme étant disparu de ce domaine, on vit peu à peu reparaître en ces lieux dévastés l’ordre et la paix. L’église fut rebâtie, et, de nouveau, la cloche appela les