Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/241

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uère qu’à l’heure du dîner, mais il leur appartenait toute la soirée. Il était simple et de bonne humeur, ajoutons qu’il était de bon conseil. Le jour même de son départ, il conseillait à Mme de Saint-Géran d’épouser M° Urbain, le notaire ; il conseillait au jeune officier de retourner en Afrique et de gagner les épaulettes de capitaine. A Mlle Laure, il conseillait d’attendre encore deux ou trois ans que son heure eut sonné de donner sa main à Gaston. A Javotte, il conseilla de porter des jupons moins courts, et de moins rire au premier venu, attendu que cela déplaisait au fils unique du vigneron Thomas. Il avait déjà conseillé à Jolibois de déguerpir et de chercher fortune ailleurs. Il n’y eut pas jusqu’à don Juan Romain qui ne vint chercher conseil et consolation auprès du faiseur de comédies, et celui-ci lui conseilla de vendre au rabais son tilbury et son cheval, de renoncer au pantalon à la cosaque, aux bottes à la hussarde, au chapeau en coup de vent, au foulard rouge, au tapage, et aux veuves à marier. S’il ne fit pas de ce fameux Romain un homme sage, il en fit un homme assez modeste pour ne pas rêver la gloire, la majesté et l’indépendance. Il eut donc le bonheur de comprendre, avant son départ, que tous ses conseils seraient suivis, et quand il revint à Paris, trois mois après son retour, il fit représenter un proverbe intitulé : Un peu d’aide fait grand bien, et le public, fidèle à son poète, applaudit de grand cœur Romain, Javotte et Jolibois.