Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/249

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En traversant Paris, le vainqueur de Lépante, don Juan d’Autriche, s’étant introduit au Louvre, en plein bal, et voyant passer la reine de Navarre au bras de son frère le roi de France :

— On a tort, disait don Juan, de l’appeler une reine, elle est déesse, et trop heureux serait le soldat qui mourrait sous sa bannière, pour la servir !

— Qui n’a pas vu la reine de Navarre, celui-là n’a pas vu le Louvre ! s’écriait le prince de Salerne.

Et les ambassadeurs polonais, quand la jeune reine les eut harangués, dans ce beau latin qu’elle parlait si bien, à la grande honte de tous ces gentilshommes français qui ne savaient pas un seul mot de latin, en leur qualité de nobles :

— Nous nous sommes trompés, disaient-ils, c’est bien cette belle tête-là qui était faite pour porter notre couronne !

Elle était l’enchantement du Louvre et l’honneur de ses fêtes ; quand elle s’en fut en Navarre, au royaume de son mari, elle éclipsa soudain la princesse Catherine, et ce peuple, assez pauvre et vivant de peu, ne pouvait se lasser de contempler les magnificences de sa reine, en robe de toile d’argent, aux manches pendantes, et si richement coiffée avec des diamants et des perles, qu’on l’eût prise pour la reine du ciel. Elle inventait les modes que portaient toutes les reines de l’Europe ; elle portait des robes en velours incarnat d’Espagne et des bonnets tout fins ornés de pierreries, et c’était une fête de la voir, « ornée de ses cheveux naturels, avec ses belles épaules, son beau visage blanc, d’une blanche sérénité, la taille haute et superbe, et portant sans fatigue et sans peine le plus beau drap d’or frisé et brodé, d’une grâce altière et douce à l