Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/256

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aindre. »

Ah ! quel drame, et comment était faite l’âme de Catherine de Médicis !

A peine endormis, dans une sécurité profonde, les jeunes époux entendent
frapper à leur porte avec ces cris : « Navarre ! Navarre ! » Un malheureux
gentilhomme du Béarn qui avait suivi le roi à Paris, M. de Tégean, percé
d’un coup de hallebarde (le massacre était commencé), et poursuivi
par les assassins qui le voulaient achever, enfonçait la porte de la
chambre ; et comme le roi de Navarre s’était levé au premier bruit du
tocsin, pour s’informer des périls qu’il pressentait, le malheureux
gentilhomme, entourant la jeune reine de ses bras suppliants : « Grâce et
miséricorde ! ô Madame, protégez-moi ! » disait-il. Les meurtriers, sans
respect pour la sœur du roi catholique, achevèrent leur horrible tâche
sous les yeux de Marguerite éperdue, et le sang de M. de Tégean souilla
le lit royal. Croirait-on, cependant, que cette horrible nuit de la
Saint-Barthélemy, la reine Marguerite la raconte, en ses mémoires, avec
aussi peu de souci que le dernier bal donné par le roi son frère !

Ces grands crimes ont cela de particulièrement abominable : il faut être
à certaine distance pour en percevoir toute l’étendue, et pourtant,
quelle que soit la concision de l’écrivain de ses propres Mémoires,
la suite des événements arrive, inévitable, et parfois d’autant plus
pressante que l’historien aura mis moins de temps à la préparer. Dans
les premiers jours qui suivirent le terrible massacre, Henri de
Navarre eut grand’peine à sauvegarder sa propre vie. Il était pour son
beau-frère un sujet d’inquiétude, un objet de haine pour sa belle-mère.
Ils se demandaient l’un l’autre, en toutes ces confusions, pourquoi ils
avaient épargné le véritable chef des protestants ? de quel droit ils le
laissaient vivre ? Ils comprenaient