Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/273

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ine de Navarre. Elle marcha, jusqu’au rivage, sur un tapis aux armes de don Juan. Le bateau qui la reçut était semblable à la galère de Cléopâtre, au temps fabuleux de la reine d’Égypte. Autour de ce riche bateau, que la rivière emportait comme à regret, se pressaient des barques légères, toutes remplies de musiciens et de chanteurs, qui chantaient leurs plus belles chansons, avec accompagnement de guitares et de hautbois. Dans ces flots hospitaliers, clairs et limpides, où le soleil brillait de son plus vif éclat, une île, en façon de temple, mais d’un temple soutenu par mille colonnes, arrêta soudain cette brillante féerie. Alors recommencèrent les danses et les festins de plus belle, et voilà comment ils arrivèrent à Liège, où monseigneur l’évêque avait donné des ordres pour recevoir dignement les hôtes du seigneur don Juan d’Autriche.

Mais, à peine arrivée dans cette ville hospitalière, Marguerite essuya comme une tempête. On eût dit que le déluge était déchaîné sur le rivage et dans les rues, et la peur fut si grande, que Mlle de Tournon, l’une des demoiselles d’honneur, non pas la moins belle et la moins charmante, expira de fatigue et de terreur. C’est très vrai : nulle joie, ici-bas, sans mélange. Il faut que chacun paye à son tour les prospérités de son voyage, et ce fut un grand deuil pour Marguerite. Elle resta trois jours enfermée en son logis ; mais quand elle eut bien pleuré sa chère compagne, elle consentit que l’évêque de Liège la vînt saluer dans la maison qu’il avait fait préparer pour la recevoir.

Cet évêque était un prince souverain, de bonne mine et bien fait de sa personne. Il portait de la plus agréable façon la couronne et la mitre, le sceptre et l’épée ou le bâton pastoral. Il était magnifique en toute chose, et