Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/77

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

hardes qu’elle avait sauvées, se mit à marcher d’un bon pas vers les hauteurs du quartier Saint-Jacques ; arrivée à la porte hospitalière de cette maison où se cachait sa dernière espérance :

— Ah ! ma pauvre sœur, s’écria la sœur tourière, n’allez pas plus loin ; vous venez dans un lieu habité par la famine et par la peste.

En effet, le pain manquait dans cette enceinte autrefois opulente, et la petite vérole y causait les plus grands ravages. Toute autre eût reculé devant ce double danger du pain qui manque et de la contagion.

— A la grâce de Dieu, ma bonne sœur, répondit la jeune voyageuse ; j’arrive ici pour trouver et pour donner de bons exemples. Je suis chrétienne et j’ai du courage ; ouvrez-moi, je suis des vôtres.

La bonne sœur, déjà frappée, ouvrit la porte à cette aventurière de la charité, et mourut dans ses bras trois jours après. Voilà ce qui s’appelle entrer dans le monde sous de bons auspices. « Ou dessus ou avec, » disait une mère spartiate à son fils en lui remettant son bouclier. On eût dit que Mlle de Launay obéissait à cette voix sévère ; morte ou vivante, elle devait sortir de cette abbaye entourée d’honneurs et de respects.

Cependant, sous les voûtes de ce palais de Versailles bâti de ses mains pour l’éternité, le roi se mourait, fièrement et royalement, comme il avait fait toutes choses. Il savait que son mal était incurable, et pourtant, dans son attitude et dans son regard, le plus habile homme n’aurait pu voir que le calme et la majesté. Dans son antichambre attendait, mêlé à la foule des courtisans de l’Oeil-de-Bœuf, l’ambassadeur de Perse, et le roi, monté sur son trône, le reçut comme autrefois dans les meilleurs jours de sa vigoureuse santé. Il y eut grand appartement