Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/81

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d il parlait dans un salon, au milieu de l’attention universelle, il était sûr de ne blesser personne.

Il marchait, à pas lents et prudents, sur le chemin de la vieillesse et ne semblait pas la redouter. Cet homme est un des grands exemples de la force et de l’autorité du bel esprit. Il ne heurtait personne ; au contraire, il se dérangeait volontiers pour faire place aux plus pressés d’arriver, et l’on ne comprenait guère comment il faisait pour arriver toujours le premier. Il avait un doux rire, une voix claire où vibrait une douce ironie. Il était très savant, très intelligent, très caché. Ne l’abordait pas qui voulait. Les ambitieux lui faisaient peine, et les avares lui faisaient peur ; les malhonnêtes gens lui faisaient pitié. Avec cela, un grand soin de sa personne, un grand respect de soi-même, et le plus profond mépris pour l’injure et le mensonge. Il mourut presque centenaire.

Après sa mort, on trouva dans les greniers du Palais-Royal, qu’il habitait, quatre ou cinq caisses énormes toutes remplies de brochures, pamphlets, journaux, nouvelles à la main, et des milliers de feuilles que l’on avait écrites pour le chagriner et dont il n’avait pas ouvert une seule. Il régnait sur deux académies ; il avait écrit des idylles charmantes, où l’on ne voyait que bergères enrubannées et bergers en bas de soie, en talons rouges.

Dans les bergeries de M. de Fontenelle rien ne manque... « Il y manque un loup, » répondait Mme Deshoulières. Tel était l’homme ingénieux et le protecteur charmant qui devenait l’arbitre de Mme Élisa de Launay.

M. de Fontenelle avait obtenu de Mgr le duc d’Orléans, qui l’honorait d’une amitié sincère, un appartement dans le Palais-Royal, que le prince habitait de préférence à toutes ses maisons. C’était au Palais-Royal, dans cette