Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/86

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eut enfin quelque pitié de cette gêne ; elle appela Mlle Henriette, sa suivante, et lui recommanda de promener Mlle de Launay dans les jardins, de la faire souper et de lui donner un lit pour cette nuit :

— Peut-être aurons-nous demain quelque idée et trouverons-nous une occasion de venir en aide à Mademoiselle.

A ces mots, Mme de La Ferté congédia d’un signe de tête la pauvre abandonnée. Heureusement que Mlle Henriette était bonne et qu’elle eut bientôt ranimé l’espérance dans le cœur de cette infortunée :

— Ah ! dit-elle, vous venez de la part de M. de Fontenelle, et vous êtes si mal reçue ! Il est cependant un bon ami de Mme la duchesse ; elle en parle à toute heure, elle dit : « C’est mon oracle ! et quel grand esprit, comme il est bien élevé ! Jamais il n’arrive ici sans me demander comment je me porte. Sans ajouter qu’il est tout à mes ordres. » Eh bien, moi aussi je suis à ses ordres, et je vous adopte, et je vous dis que vous êtes belle et faite pour aller à tout, parce que vous êtes sage et jeune, et douce, avec beaucoup de talent. Venez avec moi, nous irons saluer Mme la duchesse de Noailles ; elle est charitable, et vous consolera beaucoup mieux que ne ferait sa sœur Mme de La Ferté, qui est fière et ne s’abaissera jamais jusqu’à protéger une fille sans nom. M. de Fontenelle a bien de l’esprit, mais moi j’ai du bon sens et j’y vois clair ; je connais les bons sentiers ; vous verrez Mme de Noailles, elle vous fera conter toute votre histoire, et vous en reviendrez tout encouragée. Enfin, ça vaudra beaucoup mieux que de voir jouer les eaux de nos jardins qui ne jouent plus guère, et d’assister au souper du petit roi, qui soupe d’une pomme cuite.

En même temps la bonne Henriette arrangeait les cheveux de sa jeune protégée ;