Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/91

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dépassiez jamais l’antichambre de notre princesse. Au fait, reprit-il, avec ces princes on ne sait jamais si l’on ne fera pas une grande fortune en vingt-quatre heures. Essayez donc, et comptez sur moi.

Le soir même, en effet, M. de Malézieu, autorisé par Mme la duchesse du Maine, eut l’honneur de lui présenter la timide et tremblante Mme de Launay. Certes, elle avait grand besoin de courage ; mais sa timidité redoubla lorsqu’elle vit que son protecteur se courbait jusqu’à terre en présence de cette quasi-reine. A peine la princesse honora d’un coup d’oeil cette humble servante, et elle passa dans ses appartements sans lui expliquer l’office qu’elle en attendait. M. de Malézieu, de son côté, avait très bien compris qu’il présentait à Mme la duchesse une servante. Ainsi la voilà perdue en cette grande maison, sans un ami qui la rassure ou qui lui donne un bon conseil. Il y avait à Sceaux trois tables ; la table des maîtres, celle des officiers, la table des valets : à cette dernière table elle prit place, elle se contint pour ne pas laisser voir sa tristesse. Une femme de la garde-robe en eut pitié et l’encouragea ; puis, s’étant informée, elle revint en grand triomphe annoncer à sa nouvelle camarade qu’elle était attachée à la personne de Mme la duchesse du Maine en qualité de troisième femme de chambre, et qu’elle coucherait avec les femmes de la princesse, à l’entre-sol. Au compte de la vieille dame, c’était là, pour la nouvelle venue, une fortune inespérée, et déjà, pour commencer, Mme la duchesse du Maine avait commandé que Mlle de Launay lui présentât son éventail.

C’était un soir de grand appartement ; cent visiteurs, les plus huppés de l’ancienne cour : ducs et pairs et cordons bleus, parmi lesquels s’étaient faufilés plus d’un cordon rouge, entouraient les tables de jeu, M. du Maine étant