Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/104

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cette science me coûtait cher : elle me coûtait ma gaieté, mon repos, mon bonheur ; d’une question presque littéraire, elle avait fait d’abord une question d’amour, puis enfin elle faisait une question de cour d’assises. J’étais trop avancé pour reculer ; j’étais comme un homme qui a commencé une collection d’insectes ; pour la compléter, il se voit forcé d’adopter les plus hideux.

D’ailleurs, cette étude triste et cruelle devait, selon moi, me conduire plus sûrement a la connaissance des hommes, que tous les livres des moralistes. On a fait beaucoup de traités sur le beau, sur le sublime, sur la nature morale, et ces traités ne prouvent rien ; on s’est arrêté à d’insignifiantes apparences, quand on aurait dû creuser jusqu’au tuf. Que me font vos mœurs de salon dans une société qui ne vivrait pas un jour si elle perdait ses mouchards, ses geôliers, ses bourreaux, ses maisons de loterie et de débauche, ses cabarets et ses spectacles ? Ces agents principaux de l’action sociale, il entrait dans mon plan de les connaître, d’autant plus que je devais ainsi échapper, au moins pour un instant, à ces tortures du monde extérieur dont j’avais fait mon étude jusqu’alors.

Je me mis donc à étudier même les espions, ces tristes