Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/131

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un arbre. — Fais l’Apollon, lui dis-je, et sois beau, si tu veux être payé !

Alors l’homme se dressa de toute sa hauteur, il repoussa sa barbe sous son menton, il écarta son pied en arrière, il leva les yeux au ciel, puis, ouvrant toutes grandes ses larges narines, il laissa retomber son bras dans sa force et sa liberté. — Le bel homme ! me disais-je, et par un mouvement d’envie. — À présent, lui dis-je, montre-moi un esclave romain, qui va être fouetté pour avoir volé des figues.

Aussitôt l’homme se mit à genoux ; il courba le dos, il baissa la tête, il s’appuya sur ses deux mains nerveuses, et, se traînant sur le ventre jusqu’à moi, il me regarda avec l’air affable et craintif d’un chien qui a perdu son maître. Ainsi humilié, l’homme était à peine un chien. — Un ver ! — un dieu ! dit Bossuet. Je voulus tirer ce dieu de sa bassesse : — Vil esclave, lui dis-je, relève-toi, révolte-toi ; tu t’appelles Spartacus !

Il se releva alors, mais peu à peu, comme un homme qui se révolte lentement et qui prend toutes ses aises ; il mit un seul genou en terre ; il fit semblant de saisir avec ses deux mains un homme égorgé, il ouvrit une large bouche, et l’œil à demi fermé, l’oreille tendue, vous auriez dit qu’il savourait par tous les sens le