Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/149

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un brave homme qui savait très-bien prélever la dîme sur les voyageurs qui voulaient voir, sans payer, les églises, le soleil, les femmes, le pape et les princes de l’Italie ; les sbires seuls se réjouissaient ouvertement. Au milieu de cette foule se tenait, les bras croisés, Francesco, notre digne capitaine ; son regard me disait : — Courage aujourd’hui, demain vengeance ! Cependant, en attendant l’exécuteur, je me promenais sur la potence, au-dessus du précipice ; un léger zéphyr agitait doucement la corde fatale. — Tu vas te tuer ! criait le bourreau ; attends-moi. Il arriva enfin au sommet de l’échelle ; mais il avait le vertige, ses jambes tremblaient ; cette cascade au-dessous de lui, cet éclatant soleil au-dessus de sa tête, tous ces regards de pitié pour moi et de haine pour lui, toutes ces causes réunies troublaient ce malheureux jusqu’au fond de l’âme. Enfin, et d’une main tremblante, il me mit la corde au cou, il me poussa dans l’abîme ; il tenta d’appuyer son ignoble pied sur mes épaules ; mais ces épaules sont fermes et fortes, un pied d’homme n’y peut laisser d’empreinte ; celui de mon bourreau glissa, le choc fut violent ; d’abord il s’arrêta au bout de la potence avec ses deux mains, puis une de ses mains faiblit, et l’instant d’après il tomba