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Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/161

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sans m’en douter dans cette foule d’arguments en sens contraire pour et contre la peine de mort, je m’estimai heureux d’avoir parlé à un pendu ; j’étais tout fier de pouvoir raconter l’histoire d’un homme de l’autre monde, sans être forcé de me contenter du récit incomplet et impossible d’un patient qui marche à la mort. Selon moi, j’avais un argument sans réplique en faveur de cette loi pénale si combattue par nos sages ; je n’attendais plus qu’une occasion pour le développer à mon gré.

L’occasion arriva bientôt. Un jour, un jour d’automne, à la fin de toute feuillée, quand vous sentez venir l’hiver et ses frimas, nous étions réunis à la campagne dans un vaste salon froid et pluvieux. La société était nombreuse, mais les membres qui la composaient n’étaient guère animés les uns pour les autres de cette sympathie active qui rapproche les hommes et qui ne leur permet pas de compter les heures qui s’enfuient. Au milieu de la chambre, les dames, silencieuses et complètement isolées, s’occupaient d’ouvrages à l’aiguille. Les hommes se parlaient à de longs intervalles sans avoir rien à se dire ; bref, la soirée était perdue, si cette grande question de la peine de mort ne fût venue jeter une passion intéressante au milieu de tout ce désœuvrement. Le