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Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/180

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enfin si je pouvais la dépasser, ou bien si je serais vaincu par elle. Or, pour moi, l’horreur n’existait que là où était Henriette, nature si vide et si fausse, abîme d’égoïsme et de faiblesse, être humain qui n’avait rien de l’homme moral, merveilleuse enveloppe à laquelle rien ne manquait, l’âme exceptée. Ce je ne sais quoi vivant et sans cœur, auquel je m’étais attaché et que je suivais à la trace dans le vice, je le retrouvai encore un matin. Vous dire en quel lieu, comment l’oser, et d’ailleurs comment vous le dire ? Cependant il le faut. Mon histoire ne serait pas complète si nous ne traversions pas toutes ces fanges livides. Le lieu terrible où le vice l’avait portée, cette femme, — dans la société telle que nous l’avons faite, c’est un lieu aussi fatal, aussi nécessaire, j’ai presque dit aussi inévitable que la Bourbe ou la Morgue. Antre infect, abominable, tout rempli de plaintes, de misères, de hurlements, de grincements de dents. C’est là un hôpital, mais un hôpital sans respect. Le médecin lui-même méprise ses malades ; il a pour eux plus de dégoût que de pitié. Cette fois, l’hôpital devient prison, le malade devient ulcère ; le mal prend en ce lieu toutes sortes de noms horribles qu’on prononce tout bas. Le passant désigne du doigt avec un rire moqueur la victime