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Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/187

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têtes ravissantes, des têtes d’enfant, frêles et décentes, une bouche entr’ouverte et un léger sourire ; de belles têtes aux sourcils arqués, au regard expressif, aux noirs cheveux ; c’était un mélange confus et varié de beautés diverses, vrai sérail de sultan, qui la nuit, réveillé par le maître, arrive pieds nus jusqu’à la porte de son harem, attendant dans un respect amoureux ses ordres et son mouchoir.

Une voix se fit entendre ; un nom : Henriette ! Henriette ! Et du sein de la foule qui lui faisait place, je la vis arriver la tête haute, le regard fier, toujours belle ; elle se jeta sur le lit de misère avec autant d’aisance que sur la prairie de Vanves, et elle attendit l’opérateur. Le silence était grand ; l’homme était armé de ciseaux recourbés, il taillait dans la chair vive ; on n’entendait que le bruit sonore de l’instrument, et quand, vaincue par la douleur, la jeune femme faisait un mouvement, quand elle poussait une plainte, on lui répondait par des cris de colère ou de mépris. Pour moi, partagé entre l’horreur et la pitié, entre l’amour et le dégoût, je contemplais cette malheureuse, j’admirais son courage, j’admirais ce corps si blanc, ces formes si pures, cette main délicate et douce, ce cou frêle et gracieux, toute cette beauté si misérablement anéantie !