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Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/210

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vente incroyable, dans laquelle elle se livre au premier venu, pour une robe filandreuse et pour un morceau de pain. Quand nous arrivâmes dans la rue de la Saint-Phar, je reconnus tout d’abord la maison au calme et au silence qui l’entouraient ; c’était le calme de l’opprobre, c’était le silence de la honte ; on eût dit que les maisons voisines s’étaient reculées et qu’elles avaient voilé leur face pour ne pas être souillées du contact de celle-là. L’affreuse chose, qu’il n’y ait pas une seule ville au monde affranchie de cet impôt du vice et du crime ! On reconnaissait encore cette maison à sa porte mystérieusement entr’ouverte, aux regards curieux et obliques des passants, à ses carreaux brisés, à ses murs recouverts des adresses du Mont-de-Piété et des guérisseurs de maladies secrètes, comme si la ruine et la douleur étaient les dignes prospectus de ces maisons venimeuses ! J’arrêtai fièrement mon cabriolet à cette porte, où nulle voiture ne s’arrêtait guère d’ordinaire, pas même le corbillard. Henriette descendit en s’appuyant sur mon épaule ; déjà elle était plus légère : elle se sentait sur son terrain. Nous entrâmes dans la maison, elle et moi ; naturellement je cédai le pas à Henriette. L’escalier était sombre et sale ; une vieille femme qui portait le deuil, je ne sais de quoi, nous